La Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun bénéficie d’une coopération technique diversifiée et vise une plus grande coopération internationale
Par Arnaud Claude SADOA et Antoine NWAHA NWAHA, Magistrats, Auditeurs à la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun.
28 ans après sa création par la constitution camerounaise de 1996 et 20 ans après le démarrage effectif de ses activités, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun poursuit sa transformation en une institution supérieure de contrôle (ISC) moderne avec le soutien de ses pairs et de ses partenaires techniques et financiers.
La Chambre des comptes du Cameroun, une ISC juridictionnelle par nature
À l’origine, la Chambre des comptes est une ISC du Cameroun à compétence juridictionnelle. Il s’agit d’une juridiction dont les membres ont le statut de magistrat sur le modèle des Cours des comptes. Historiquement et conformément aux dispositions de la loi de 2003 qui l’organise, son activité était centrée sur le contrôle et le jugement des comptes des comptables publics. A l’époque, son rôle principal était de statuer sur la responsabilité des comptables publics en sanctionnant lesmanquement à leurs obligations.
Depuis 2018, la Chambre des comptes assure un contrôle et une surveillance des finances publiques alignés sur les normes internationales.
En 2018, le Parlement camerounais a acté une extension très significative du champ de compétence de la Chambre des comptes à travers deux lois du 11 juillet 2018 portant respectivement sur le Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques et sur le Régime financier de l’État et des autres entités publiques. Ces lois renforcent les attributions juridictionnelles de la Chambre, qui est désormais compétente pour juger non seulement les comptables publics mais aussi les ordonnateurs et les contrôleurs financiers. La Chambre se voit également confier des autres compétences dévolues à une Cour des comptes : l’examen de la gestion, l’évaluation des politiques publiques, l’assistance aux pouvoirs publics, la certification et l’information du public.
Les lois de juillet 2018 donnent également à la Chambre des comptes son indépendance en tant qu’institution de contrôle externe des finances publiques, et peut agir de manière autonome par rapport au gouvernement et au Parlement. C’est de cette indépendance que la Chambre des comptes tire sa légitimité. La Chambre des comptes définit librement son programme de travail, adopte librement ses conclusions et a la capacité juridique de publier librement ses rapports.
La mise en œuvre de ces nouvelles compétences a considérablement augmenté la visibilité de la juridiction financière dans l’espace public et a renforcé ses performances. La médiatisation des rapports de l’audit sur l’utilisation des ressources allouées à la lutte contre le coronavirus en est une illustration parfaite. Cependant, la mise en œuvre de ces nouvelles compétences soulève en même temps de nombreux défis que la juridiction s’efforce de relever, avec l’aide d’ISC expérimentées et de collègues internationaux, ainsi qu’avec l’appui de partenaires techniques et financiers.
La Chambre des comptes multiplie les partenariats pour le renforcement de ses capacités
Le soutien des pairs :
Le soutien de l’AISCCUF
La Chambre des comptes est devenue membre de l’Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l’usage du Français (AISCCUF) en 2015. Depuis 2018, elle est l’unique ISC représentant le Cameroun au sein de cette instance. En cette qualité, la Chambre des comptes participe aux activités de renforcement des capacités qu’elle organise chaque année. Une délégation de deux auditeurs a ainsi participé au TOP Congrès des jeunes auditrices et auditeurs à Dakar (Sénégal) en juillet 2022 tandis qu’une délégation composée de quatre magistrats et un administrateur des greffes a pris part au séminaire professionnel de Bucarest de juillet 2023 où elle a pu valoriser les résultats des travaux de la juridiction sur le contrôle des dépenses dédiées à la crise sanitaire.
La Cour des comptes de France : le partenaire privilégié
Depuis 2006, la Cour des comptes de France contribue activement au renforcement des capacités des personnels de la Chambre des comptes. Cette coopération dynamique a été consolidée par la signature d’un premier accord entre les deux institutions en 2015, renouvelé à Paris le 26 octobre 2022. Grâce à cet accord, la Cour des comptes de France accueille chaque année un minimum de quatre auditeurs camerounais à des sessions de formation destinées aux nouveaux arrivants dans les juridictions financières. Elle accueille également des délégations des magistrats camerounais pour des stages, des voyages d’étude et autorise des missions d’assistance sur place au Cameroun.
Les nouveaux partenaires : les Cours des comptes de Roumanie, du Sénégal, du Burundi et du Maroc
La Chambre des comptes entend nouer de nouveaux partenariats avec d’autres Cours des comptes et ISC du monde entier. Elle a ainsi signé le 5 décembre 2023 un accord de coopération avec la Cour des comptes de Roumanie. La mise en œuvre de cet accord devrait permettre de renforcer les compétences du personnel de la juridiction financière du Cameroun dans le domaine de l’audit de performance.
De même, de nouveaux accords sont en cours de négociation avec les Cours des comptes du Sénégal, du Burundi et du Maroc.
Le soutien des bailleurs de fonds et des partenaires techniques étrangers :
Le Programme de subvention et d’assistance technique de l’Union européenne
A travers le Projet d’Appui au Renforcement de la Gestion des Finances Publiques (PARGEFIP 2019-2023), l’Union européenne appuie la Chambre des comptes depuis 2019 dans le cadre d’une importante subvention, après avoir financé l’élaboration de son plan stratégique et opérationnel en 2018. Cette subvention a permis de financer, avec l’assistance technique d’Expertise France, des actions de formation et de coaching au bénéfice d’une centaine de magistrats dont environ 80 nouveaux auditeurs recrutés au cours de ces dernières années. Elle a aussi financé l’élaboration de nombreux autres guides et manuels de procédures.
Avec le soutien permanent d’un assistant technique international et l’intervention d’autres experts à court terme recrutés pour des besoins précis, l’appui de l’UE s’est déployé autour de quatre axes prioritaires : le renforcement institutionnel, le renforcement des ressources humaines et matérielles, la digitalisation des process et la visibilité de l’institution. Parmi quelques retombées concrètes de cette subvention, l’on note l’acquisition du matériel informatique et de visio-conférence, du matériel roulant, la remise à niveau du site internet de la juridiction et la mise en place d’un intranet et d’un logiciel de greffe.
Le soutien de la Banque mondiale, du Fonds Monétaire international (FMI), de la Banque Africaine de développement (BAD) et de l’Agence de coopération allemande GIZ
La coopération internationale de la Chambre des comptes se traduit par une relation de longue date avec l’Union européenne. Les actions de la Chambre lui ont permis de diversifier son portefeuille de partenaires internationaux du développement. En effet, la pertinence de ses travaux et de ses recommandations lui ont permis de convaincre et de gagner la confiance des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds, de sorte que ces derniers se mobilisent pour soutenir le développement de la jeune juridiction financière.
En 2022 et 2023, la Banque mondiale a ainsi financé un programme de formation de la Chambre des comptes à l’audit informatisé, suivi des missions d’audit pilote auprès de certains établissements publics.
Quant au FMI, il a publié récemment un rapport (FMI, Rapport d’assistance technique – Diagnostic de la Gouvernance et de la corruption, décembre 2023) dans lequel il formule de nombreuses recommandations pour la consolidation du statut et du positionnement institutionnel de la Chambre.
La Banque africaine de développement (BAD), pour sa part, confie régulièrement à la Chambre des comptes depuis 2021 l’audit des projets qu’elle finance au Cameroun. Depuis 2023, l’agence de coopération allemande GIZ accompagne aussi la Chambre des comptes dans les actions de formation sur l’audit des collectivités territoriales décentralisées.
Viser une coopération internationale continue
La Chambre des Comptes du Cameroun multiplie les actions de coopération pour asseoir ses compétences et se donner les moyens de jouer pleinement son rôle d’institution citoyenne dans le domaine de l’audit du secteur public. La Chambre des Comptes souhaite s’inscrire dans de nombreuses opportunités d’engagement international, notamment en matière de partage d’expérience, de formation et de professionnalisation. Le renforcement de la coopération avec les organisations et institutions internationales de contrôle permet d’acquérir un savoir-faire basé sur l’expérience d’autres organisations et ISC, et d’assurer une formation de qualité au profit de leurs membres. Une plus grande coopération internationale aiderait la Chambre des comptes du Cameroun à développer une plus grande capacité, à apprendre des autres, et à mettre en œuvre de façon optimale ses compétences en matière de contrôle et de responsabilité.