Le contrôle de l’égalité des sexes : Une occasion pour les ISC de faire la différence et de montrer l’exemple
par Jane Fuller, associée, et Marie-Hélène Bérubé, chargée de programme principale, Fondation canadienne pour l’audit et la reddition de comptes (CAAF)
Les audits sur l’égalité entre les hommes et les femmes prennent de l’ampleur
Lorsque le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG Canada) a contrôlé le Plan fédéral pour l’égalité entre les femmes et les hommes en 2009, il a été l’une des premières institutions supérieures de contrôle (ISC) à entreprendre un contrôle de l’engagement de son gouvernement à réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes. Depuis lors, les membres de l’Organisation africaine des ISC (AFROSAI), de l’Organisation européenne des ISC (EUROSAI) et de l’Organisation des ISC d’Amérique latine et des Caraïbes (OLACEFS) ont entrepris des travaux sur l’égalité des sexes, tant au niveau externe dans le cadre de leurs contrôles qu’au niveau interne par le biais d’évaluations de leurs propres engagements institutionnels.
Aujourd’hui, les ISC, leurs organisations régionales, l’Initiative de développement de l’INTOSAI (IDI) et la Fondation canadienne pour l’audit et la reddition de comptes (CAAF) reconnaissent de plus en plus l’importance de contrôler l’égalité des sexes, de montrer l’exemple et de veiller à ce que des orientations techniques soient disponibles pour soutenir ce travail. Dans ce contexte favorable, les ISC ont clairement la possibilité de faire la différence en intégrant dans leurs contrôles des considérations relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’intégration de la dimension de genre.
Audit des engagements en matière d’égalité entre les femmes et les hommes
Les gouvernements nationaux ont pris des engagements importants en faveur de l’égalité des sexes, notamment dans l’Agenda 2030 des Nations unies et ses Objectifs de développement durable (ODD). Les ODD comprennent un objectif axé sur l’égalité des sexes – l’ODD 5 : Réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles – et considèrent l’égalité des sexes comme une priorité transversale essentielle à la réalisation des autres objectifs.
Les engagements en faveur de l’égalité des sexes dans les ODD s’appuient sur les engagements initiaux pris par les États membres des Nations unies en faveur de l’égalité des sexes et de la promotion des femmes et des filles lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes à Pékin, en Chine (1995). À la suite de cette conférence, les pays du monde entier ont renforcé leurs engagements internationaux en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et de l’intégration de la dimension de genre par l’adoption de lois, de règlements, de politiques, de plans, de stratégies et de budgets nationaux et infranationaux, ainsi que par la définition des rôles et des responsabilités au sein des institutions gouvernementales pour la mise en œuvre de ces mesures.
En contrôlant la manière dont les gouvernements mettent en œuvre les ODD, en particulier l’ODD 5, et respectent d’autres engagements en matière d’égalité des sexes, les ISC peuvent contribuer à améliorer la vie de divers groupes de femmes, d’hommes et de personnes marginalisées. Ces efforts sont conformes à la norme internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISSAI) 12, intitulée “La valeur et les avantages des institutions supérieures de contrôle des finances publiques – Améliorer la vie des citoyens”. Elles sont également conformes au plan stratégique 2017-2022 de l’INTOSAI, dont l’une des cinq priorités stratégiques transversales est de “contribuer au suivi et à l’examen des ODD dans le contexte des efforts spécifiques de chaque nation en matière de développement durable et des mandats individuels des ISC”.
De nombreuses ISC contrôlent désormais les ODD, et certaines ont commencé à contrôler les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de l’ODD 5. En 2019, les membres de l’OLACEFS ont mené un audit coordonné de l’ODD 5, et l’ISC Ouganda entreprend actuellement un audit pilote de l’ODD 5.2 sur ” l’élimination de la violence des partenaires intimes à l’égard des femmes “. Le BVG du Canada a publié en 2021 un audit sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable, qui portait sur l’ODD 5. Ces audits permettent de tirer des enseignements importants pour les ISC qui souhaitent contrôler l’ODD 5 et les questions d’égalité entre les hommes et les femmes qui présentent un intérêt particulier dans le contexte de leur pays.
L’impact que peuvent avoir les ISC : les contrôles du BVG Canada sur l’analyse comparative entre les sexes Plus
L’audit de 2009 du BVG Canada sur l’engagement du gouvernement en matière d’égalité entre les femmes et les hommes visait à déterminer si certains ministères fédéraux avaient mis en œuvre de manière adéquate l’analyse comparative entre les sexes (ACS), un outil largement utilisé par les gouvernements depuis la quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui s’est tenue à Pékin. Le BVG Canada a effectué une vérification de suivi sur ce sujet en 2015.
Les conclusions et les recommandations des deux rapports d’audit fondamentaux du BVG Canada ont directement influencé la manière dont le gouvernement du Canada a poursuivi l’intégration de la dimension de genre et l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier au cours des six dernières années. En 2018, le Canada a adapté les cibles de l’ODD 5 dans son propre cadre de résultats en matière de genre, a adopté la loi sur la budgétisation sensible au genre (2018), a créé un ministère dédié aux femmes et à l’égalité des sexes qui est soutenu par les agences du gouvernement central, et a renforcé les exigences dans l’ensemble du gouvernement pour mener l’ACS+ pour toutes les soumissions ministérielles pour le financement de programmes. Le BVG Canada se trouve donc dans un contexte riche en critères propices à l’audit de l’égalité entre les femmes et les hommes et de l’intégration de la dimension de genre.
Un rapport de 2018 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) intitulé “L’égalité des sexes au Canada” reconnaît que le BVG Canada “s’est révélé être un moteur essentiel de progrès en ce qui concerne l’application de l’analyse comparative entre les sexes”. Le rapport indique également que pour renforcer la responsabilité, le BVG Canada et le Parlement “devraient s’appuyer sur leurs interventions réussies dans le domaine de l’ACS+ en intégrant davantage une perspective de genre dans leurs propres domaines de travail”.
Alors que le BVG du Canada entame sa troisième vérification de l’ACS+, il adopte également une approche solide pour prendre en compte les dimensions de l’ACS+ dans l’ensemble de ses pratiques de vérification. Grâce à cette initiative, le BVG Canada est prêt à poursuivre les progrès du pays en matière d’égalité des sexes, de diversité et d’inclusion, et à devenir un chef de file mondial parmi les ISC qui travaillent sur ces questions.
Renforcer les capacités d’audit de l’égalité entre les femmes et les hommes
La CAAF est convaincue que les ISC peuvent faire une différence importante en contrôlant l’égalité entre les hommes et les femmes et en a fait un axe de travail depuis 2013. Le CAAF a élaboré des guides et des formations pour aider les auditeurs à mieux comprendre l’importance de l’égalité des sexes et de l’intégration de la dimension de genre, et pour renforcer leur capacité à aborder ces questions dans leurs audits de performance.
Dans sa formation, le CAAF présente deux grands types d’audits de l’égalité entre les femmes et les hommes :
- Audits des pratiques de gestion au niveau institutionnel, qui examinent la manière dont le gouvernement intègre l’égalité des sexes et/ou l’ACS dans les processus et les opérations (c’est-à-dire l’intégration de la dimension de genre), soit au niveau de l’ensemble du gouvernement, soit au sein de départements spécifiques. Ces audits sont axés sur l’intérieur, sur les engagements internes et la capacité des institutions gouvernementales à progresser vers l’égalité des sexes.
- Audits de la manière dont le gouvernement intègre les questions et les considérations relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la planification, la mise en œuvre et l’évaluation de ses programmes, initiatives et services. Ces audits sont axés sur l’extérieur, sur la manière dont le gouvernement fait progresser ses engagements en matière d’égalité des sexes au sein de la société.
Ce deuxième type d’audit peut s’avérer particulièrement difficile lorsque les considérations de genre ne semblent pas pertinentes pour un sujet d’audit. Par exemple, l’audit d’un programme de formation technique et professionnelle pourrait comporter des risques en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. Cela peut être déterminé si les auditeurs évaluent les dimensions de genre du programme en posant les questions suivantes :
- La conception du programme s’est-elle appuyée sur l’ACS pour déterminer les besoins et les intérêts spécifiques des bénéficiaires cibles (par exemple, divers groupes de femmes, d’hommes et de groupes marginalisés) ?
- L’ACS a-t-elle utilisé des données ventilées par sexe pour identifier les disparités ou les inégalités existantes entre les bénéficiaires, afin d’éclairer la planification et la mise en œuvre du programme ?
- La conception et la mise en œuvre du programme ont-elles pris en compte les disparités en matière d’accès, de rétention et d’achèvement pour tous les bénéficiaires ?
- Le programme aborde-t-il les stéréotypes négatifs liés au genre qui entravent l’égalité d’accès aux opportunités et aux ressources pour les diplômés ?
C’est pourquoi le CAAF a mis au point un outil de sélection des thèmes d’audit sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui peut aider les auditeurs à identifier les thèmes d’audit à fort impact. Cet outil guide les auditeurs tout au long du processus d’évaluation des dimensions de l’égalité des sexes d’un sujet d’audit en fonction de quatre “filtres” : le risque, l’intérêt potentiel, l’auditabilité et la valeur ajoutée.
Pour chacun de ces quatre domaines, l’outil de sélection propose aux auditeurs des questions à se poser pour déterminer si l’égalité entre les hommes et les femmes est une considération importante. Par exemple, lors de l’examen des risques, les auditeurs peuvent poser la question suivante : “Le programme pourrait-il avoir un impact différent sur les femmes et les hommes ?” En ce qui concerne la valeur ajoutée, les auditeurs peuvent se poser la question suivante : “L’audit du thème de l’égalité entre les femmes et les hommes contribuera-t-il à améliorer la performance du gouvernement et à combler les écarts en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ?
Conclusion
Les ISC sont particulièrement bien placées pour faire progresser les engagements en matière d’égalité des sexes et d’intégration de la dimension de genre. Compte tenu de l’importance mondiale des ODD, et en particulier de l’ODD 5, ainsi que des engagements nationaux préexistants en faveur de l’égalité des sexes et de l’intégration de la dimension de genre, l’INTOSAI et ses membres ont d’importantes contributions à apporter en demandant aux gouvernements nationaux de rendre des comptes.
Il est encourageant de constater l’élan croissant autour de ce sujet, y compris les audits sur l’égalité des sexes ainsi que les initiatives visant à intégrer l’égalité des sexes au sein des ISC, comme le travail effectué par le groupe de travail de l’OLACEFS sur l’égalité des sexes et la non-discrimination. Pour l’avenir, il convient d’accorder une plus grande attention à l’intégration des questions de genre dans la méthodologie et les modèles d’audit des ISC et, surtout, dans leur planification stratégique, la sélection des thèmes d’audit et la planification des audits.
Auteurs
Jane Fuller est une consultante indépendante qui est associée du CAAF (égalité entre les femmes et les hommes) depuis 2013. Elle est coauteur des guides pratiques du CAAF sur l’audit de l’égalité entre les hommes et les femmes et sur l’audit des ODD : l’égalité entre les hommes et les femmes, et a conçu avec le CAAF leur cours de trois jours sur l’audit de l’égalité entre les hommes et les femmes et leur cours d’une journée sur l’audit de l’ACS+. Elle fournit actuellement des conseils techniques au BVG du Canada sur l’audit de l’ACS+.
Marie-Hélène Bérubé est agente principale de programme, égalité des sexes et éthique, pour le programme international du CAAF. Elle a co-conçu le cours sur l’audit de l’égalité des sexes et dirige la formation et le mentorat sur ce sujet dans le cadre du programme international du CAAF.
Graphique de couverture : melita/AdobeStock